la meilleure façon de bien vieillir ?
PARIS - Contrairement aux idées reçues, l'un des grands maux qui guette le senior en relative bonne santé, n'est pas la surcharge pondérale mais la dénutrition qui accompagne souvent la perte
d'autonomie.
Après 70 ans, le risque majeur n'est plus l'obésité et les maladies liées à la surcharge mais la dénutrition. Ce risque est un véritable problème de santé publique, souligne Dr Monique Ferry,
spécialiste en gériatrie et en nutrition, chercheuse à l'Inserm-Paris XIII.
La dénutrition est un manque d'apports en énergie et protéines. Cette forme de malnutrition a des conséquences en cascade sur la santé: diminution des défenses immunitaires, risques accrus
d'infections nosocomiales, plus grande sensibilité au diabète.
Elle peut aussi provoquer un curieux effet d'auto-cannibalisme où faute d'aliments, le corps brûle ses propres protéines, notamment dans les muscles longs des cuisses ce qui fait que la personne
âgée fait plus facilement des chutes.
Le remède est de prolonger le plus longtemps possible le plaisir de manger et pour cela rien ne vaut de continuer à cuisiner soi-même, selon Claire Sulmont-Rossé de l'Inra de Dijon.
Les résultats d'une enquête dirigée par cette chercheuse auprès de 559 personnes de plus de 65 ans, montrent que 46% des personnes qui délèguent à un tiers tout ou partie de leur alimentation
sont dénutris ou à risque de dénutrition.
entretenir l'appétit et le plaisir de manger
Dès lors qu'on délègue même à un membre de sa famille la préparation des repas, le risque de dénutrition augmente, a souligné Mme Sulmont-Rossé lors de la présentation de cette étude Aupalesens à
l'occasion d'un colloque organisé en juin à Paris sur l'alimentation des seniors.
Les personnes âgées peuvent alors tomber dans un cercle vicieux où la dépendance entraîne la dénutrition et la dénutrition conduit à une plus grande dépendance, a expliqué à l'AFP Dr Ferry en
marge de ce colloque organisé par la Fondation Louis Bonduelle.
Le problème majeur est que la dénutrition chez le 3e et le 4e âge peut être difficile à repérer pour les médecins: les classiques indices de masse corporelle (IMC) sont de mauvais indicateurs
pour ces personnes qui ont souvent perdu de la hauteur en raison d'un tassement vertébral, explique Dr Ferry.
Avec les personnes âgées, on a souvent affaire à des obèses dénutris. Un senior peut paraître obèse mais est en fait dénutri avec toutes les pathologies associées à cette dénutrition, confirme
Mme Sulmont-Rossé.
Le problème de dénutrition est surtout à surveiller dans les mois qui suivent l'entrée dans une résidence pour personnes âgées.
L'entrée en institution constitue une rupture forte où la personne peut avoir l'impression d'être abandonnée et perdre le goût et le plaisir du bien mangé, témoigne Etienne Goulley, responsable
d'Age, un groupement européen d'associations de personnes âgées.
Pour Mme Sulmont-Rossé, l'un des défis est d'augmenter le côté appétissant des aliments à destination des seniors, en respectant leur besoin nutritionnel, et leur goût pour tenir compte,
notamment, du fait qu'un tiers d'entre eux n'aiment pas les saveurs sucrées.
Cela passe par l'éducation aussi bien pour les personnes âgées que pour le personnel des maisons spécialisées. Il faut savoir entretenir l'appétit et le plaisir de manger, explique Monique Ferry
qui cite l'élaboration récente d'un kit pratique sur ce thème à destination des professionnels à travers le programme national Mobiqual (www.mobiqual.fr).